L’Outre-mer ? Un trucage post-colonial (Patrick Chamoiseau)

« Pour moi l’année des Outre-mer est une absurdité totale. D’abord je ne suis pas un « Ultramarin », et je refuse cette idée que l’on puisse mettre des peuples différents, avec tant de richesses, de potentialités, de pensées et de destins différents, dans un simple « Outre-mer ».
Par ailleurs, dans le mot Outre-mer, on installe la notion de centralité d’une métropole, c’est-à-dire l’irresponsabilité collective de tous ces pays qui ne peuvent pas décider et qui ne sont que des périphéries. Quand on met tout le monde dans le même sac, on nie la diversité de ces peuples, de ces nations et de ces visions du monde. Il faut donc absolument rejeter les termes d’Outre-mer et d’Ultramarin.
On voit bien que la situation est malsaine. Pourquoi les peuples dits d’Outre-mer ne sont-ils pas connus en France ? Car c’est cela l’idée. Les Français ne connaissent pas les peuples d’Outre-mer, donc on va les prendre comme à l’exposition coloniale et on va les agiter pour dire « voilà les peuples d’Outre-mer ». Pourquoi ne les voit-on pas ? C’est simplement parce qu’ils sont dans l’irresponsabilité collective. Et lorsqu’un peuple ne rayonne pas, qu’il n’est pas en relation avec le monde, qu’il ne dispose pas de sa souveraineté ou de sa pleine responsabilité dans les modalités de son destin, ce peuple est nécessairement invisible.

(…) L’idée de la relation de Glissant ne supporte pas ce type de rapport sous-ordonné où des peuples entiers sont dénués de toute responsabilité, de tout espace de souveraineté, et englobés dans des trucages postcoloniaux qui s’appellent Outre-mer.

(…) Nous sommes des pays, des peuples et des nations exactement comme Haïti, Cuba, Trinidad, la Jamaïque… Ce sont des entités singulières. Parler d’Outre-mer, cela n’a pas de sens. »

Extrait de l’interview réalisée par Philippe Triay, Martinique 1ère

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