« Ci-gît Glissant. A-t-il vraiment cessé de trembler ? »

Signalé par Eddy Nedelkovski, le questionnaire de Proust que L’Express avait posé à Édouard Glissant, en 2005.

Le bonheur parfait, selon vous ?
Etre très loin et très près de tout. C’est difficile.

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’idée que l’écriture n’attend pas. (Mais c’est aussi de la prétention.)

La dernière fois que vous avez explosé de rire ?
Une histoire contée par un de mes enfants. Là, je me laisse toujours prendre.

La dernière fois que vous avez pleuré ?
Au spectacle du malheur insondable d’un peuple.

Quel est votre principal trait de caractère ?
L’impatience. Par exemple, face aux pièges techniques (ceux des ordinateurs…).

Votre principal défaut ?
L’impatience. Et de ne pas savoir la contenir ou l’atténuer.

A quelle figure historique vous identifiez-vous le plus ?
Les figures des peuples, de tous les peuples.

Qui sont vos héros, aujourd’hui ?
Comme tout un chacun, Gandhi, Luther King et Mandela.

Votre héros de fiction ?
Je crois que mes héros sont avant tout de poésie. Mais, dans mon enfance, Pardaillan (très exotique).

Votre voyage préféré ?
En direction et autour de la Martinique.

Quelle est la qualité que vous préférez chez un homme ?
L’intuition, toujours très improbable, de la féminité.

Et chez une femme ?
Une légèreté qui ne pose pas.

Vos écrivains préférés ?
Faulkner, Segalen, Saint-John Perse, Césaire.

Votre compositeur préféré ?
Beethoven et les improvisateurs de jazz. Et les chansons créoles.

La chanson que vous sifflez sous la douche ?
Je n’en ai jamais su le titre. C’est sans doute pourquoi je la serine.

Votre livre culte ?
Absalon ! Absalon ! de W. Faulkner. L’inextricable absolu.

Votre film culte ?
Les enfants du paradis.

Votre peintre préféré ?
Matta et Wifredo Lam. Deux Cohées du Divers.

Votre boisson préférée ?
Le punch et le mabi, boissons caraïbes, à la fois natifs et métis.

Votre couleur préférée ?
Le mauve et les couleurs composées, qui hésitent, s’évaporent.

Que considérez-vous comme votre plus grande réussite ?
Aucune. Ce serait la fin de tout, du moins selon moi.

Quelle est votre devise ?
« Changer en échangeant. »

Votre plus grand regret ?
D’avoir laissé passer l’occasion de rencontrer certaines personnes que j’admirais ou appréciais. Regret égoïste.

Quel talent voudriez-vous avoir ?
De savoir déchiffrer les mystères techniques de la musique.

Qu’est-ce qui vous est le plus cher ?
La vie du Tout-Monde, où je me débats avec les miens.

Si vous pouviez changer une chose dans votre physique ?
J’aimerais avoir des jambes moins amaigries, que mes copains d’enfance appelaient « baguettes-la-vérité ».

Que détestez-vous par-dessus tout ?
Hypocrites, arrivistes, profiteurs.

Quand vous n’écrivez pas, quelle est votre occupation préférée ?
Lire partout, grands textes, échos en fracture, morceaux de paysages, hasards des sports…

Votre plus grande peur ?
Etre en déséquilibre dans l’air (vélo, trottinette, téléphérique, avion, etc.).

A quelle occasion mentez-vous ?
Peut-être quand je me « parle » à moi-même, ou quand j’ai peur d’offenser quelqu’un.

Comment aimeriez-vous mourir ?
Je ne sais pas. Montaigne n’est pas facilement imitable.

Rédigez votre épitaphe ?
« Ci-gît Glissant. A-t-il vraiment cessé de trembler ? »

Si vous rencontrez Dieu, qu’aimeriez-vous qu’il vous dise ?
Si, dans l’éternité, il y aura toujours des jours et des nuits qui se suivent et ne se ressemblent pas.

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