« La littérature-monde est indienne, centrale pas périphérique »

« Ils chahutent les frontières géographiques, nationales, intellectuelles. Ils bousculent les certitudes. Que faire de ces écrivains indiens, ou d’origine indienne, tous anglophones, cosmopolites, qui, après Salman Rushdie, après Arundhati Roy, lauréate du Booker Prize en 1997 pour le Dieu des petits riens, ont en quelques années conquis la scène littéraire mondiale ? se demande Ève Charrin, auteure de l’Inde à l’assaut du monde, (Paris, Grasset, 2007, rééd. Poche Pluriel, 2009.) dans le numéro d’août-septembre 2010 de la revue Esprit.

Vikram Seth, Amitav Ghosh, Jhumpa Lahiri, Kiran Desai, Aravind Adiga, Suketu Mehta, Lavanya Sankaran, Pankaj Mishra, Tarun Tejpal, Abha Dawesar, et d’autres : que faire de ces plumes qui ont émergé, à peu près en même temps que l’Inde, depuis le tournant du siècle ?

Bien sûr, il faut les lire, avant toute chose. Ces auteurs ont amplement mérité leur succès critique, leur reconnaissance mondiale, leurs traductions, leur moisson de prix littéraires prestigieux, Pulitzer et Booker compris. Mais ce n’est pas par goût de l’exotisme qu’il faut les lire : à cette aune on serait parfois déçu, et de toute façon ce serait un malentendu. Certes, ces écrivains parlent de l’Inde, toujours, que ce pays constitue ou non le lieu de leurs récits.

Mais d’où qu’on la regarde, l’Inde n’est plus (seulement) exotique, en tout cas elle n’est plus du tout périphérique : elle est devenue centrale. Il faut donc lire Lahiri, Desai, Adiga, Mehta et les autres, parce qu’ils n’ont pas leur pareil pour dire le monde d’aujourd’hui, un monde de déplacements, un monde de mobilité et de résistances, à la fois géographiques et sociales. Ils parlent d’émigration, d’ambitions sociales, de fuite, de révolte, de survie, d’échappées. Ils parlent, mieux que personne, de mondialisation. Ce n’est donc pas un hasard si, justement, on ne sait pas où les mettre. »

Rappel : plusieurs articles de référence sont en accès libre sur le site d’Esprit, de Paul Riœur (Le scandale du mal, juillet 2005), Michel Foucault (Luttes autour des prisons, novembre 1979), Claude Lévi-Strauss (Réponses à quelques questions, novembre 1963), Léopold Sedar Senghor (Le français, langue de culture, novembre 1962), Albert Memmi (Portrait du colonisé, mars 1957) et Frantz Fanon (Antillais et Africains, février 1955).

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