Je m’en allais, un marron dans la poche…

Le marronnier comme la marionnette aime redoubler les consonnes, mais ce n’est pas là sa seule accointance avec les lettres.

Car le marronnier qui se pavane tranquillement, exhibe et déploie ses fleurs roses devant ma fenêtre, comme devant d’autres ouvertures citadines ou devant le regard oblique des passants honnêtes alentour des bancs publics , est un véritable dictionnaire, un Trésor de la langue française, que le thésaurus éponyme veut bien nous aider à traduire.

Les fleurs sont des « panicules », mot d’origine latine qui signifie « fil de tisserand », et désigne sa forme en grappe d’épillets, petits épis « dont les axes secondaires plus ou moins ramifiés décroissent de la base au sommet de l’axe central ». Nomination qui a sa version grecque avec la « thyrse », c’est-à-dire une « inflorescence pyramidale en grappe composée ».

« Qu’est-ce qu’un thyrse ? se demande Charles Baudelaire. Selon le sens moral et poétique, c’est un emblème sacerdotal dans la main des prêtres ou des prêtresses célébrant la divinité dont ils sont les interprètes et les serviteurs. Mais physiquement ce n’est qu’un bâton, un pur bâton, perche à houblon, tuteur de vigne, sec, dur et droit. Autour de ce bâton, dans des méandres capricieux, se jouent et folâtrent des tiges et des fleurs, celles-ci sinueuses et fuyardes, celles-là penchées comme des cloches ou des coupes renversées. »

La marronnier actuel est un fils d’immigré : introduit à Paris en 1615, il atteint l’âge de 250 ans. Son nom vient de « mar », qui désigne en langue ligure de Gênes, un « caillou », ce qui indique ses origines orientales.

Son écorce renferme de l’æsculine qui, au XVIIIe siècle était utilisée pour ses propriétés fébrifuges (faisant baisser la fièvre). Dans son livre des superstitions, Eloïse Mozzani signale cette croyance croquignolette : « Pour faire disparaître des hémorroïdes, ‘‘épanchez-les trois fois avec le doigt du milieu, et dites : Moka, maket, Dieu m’a fait, de par Jésus, je n’en ai plus’’. On peut aussi porter dans sa poche un marron. »

A trop marcher un marron dans la poche, on risque la saponinification… La présence de saponine dans le marron, « était utilisée autrefois pour le blanchissage et pour la fabrication de bougie et de colles à bois », précise Félicien Lesec, dans son joli livre pleins d’histoires et d’Histoire : Paris, les arbres vous guident, parmi d’autres pour d’autres cités, publié dans une collection des éditions Altissima, car avec le marronnier il vaut mieux prendre de la hauteur.

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