En attendant le Goncourt, lundi 2 novembre, rappelons qu’il y a 50 ans, il récompensait André Schwarz-Bart, pour Le dernier des Justes.

Mort en 2006, là où il vivait, en Guadeloupe, il a laissé à son épouse Simone quantité de notes. Elle en a réuni une partie et publie un roman posthume d’André Schwarz-Bart (s’écrit sans « t » contrairement à la couverture ci-dessous), chez le même éditeur, Le Seuil : L’étoile du matin.

En voici deux extraits :
Extrait 1, pp. 78-79 (dans le chapitre Kaddish) :
Et Haïm dit :
— Père, pourquoi les hommes sont-ils si différents ?
— Toutes choses sont différentes : chaque brin d’herbe est unique.
— Mais si les différences règnent, la parole est impossible.
— En vérité, nous sommes tous les mêmes et la parole du Sinaï s’adresse à tous, et pas seulement à notre peuple.
— Je suis donc une femme ?
— Exact.
— Je suis donc un goy ?
— Exact.
— Mais si nous sommes différents, nous ne pouvons être les mêmes, et réciproquement.
— Volià la question : si nous sommes tout d’abord différents, nous ne serons jamais les mêmes ; mais si nous sommes d’abord les mêmes, il n’y a aucune difficulté à nos différences.
— Alors je suis toi ?
— Tu es moi, et je suis toi : voilà le grand secret.
Extrait 2, pp. 234-235 (dans le chapitre Un chant de vie) :
— C’est bien là toute la question, dit Haïm, comment être fidèle à tous les peuples, qui n’en font qu’un paraît-il ?
— Tous les peuples ont donc deux peaux, demanda Sarah, et pour nous autres juifs, quelles seraient-elles donc, ces deux peaux ?
— Ces deux peaux s’appellent l’unique et l’universel, l’origine naturelle et l’univers. Pour ma part, dit Haïm, j’ai toujours été balloté entre deux termes : exercice d’équiulibriste hautement périlleux. Malheureusement, pour les juifs, l’universel avait bien souvent coïncidé avec l’assimilation : il y avait eu attraction de ces deux termes et c’était là toute l’ambiguïté des juifs de gauche : leur noblesse d’âme se retournait contre les leurs.
— Les Noirs ne font pas tellement mieux, vous savez, dit le jeune homme. Toujours à chausser les lunettes d’autrui pour se regarder, ils excellent dans l’autodénigrement eux aussi et j’ai très vite compris que tous les juifs étaient des blacks, des blacks hors pair…
