La Quinzaine nous le donne en mille !

Quelques morceaux d’anthologie dans La Quinzaine littéraire n° 1000 (du 1er au 15 octobre 2009).  » Pari tenu  » titre Maurice Nadeau qui conclut son éditorial par cette humble adresse, après  » quarante-trois années de labeur, de joies et de soucis  » :  » La Quinzaine littéraire, dans ce monde qui a pas mal changé, doit prendre un nouveau plumage. En a-t-elle les moyens ? A vous amis lecteurs, de le dire.  »

Parmi les hommages des fidèles, il y a les radicaux, comme Jean-Jacques Lefrère, qui fait un sort aux  » coups de cœur des libraires (qui) se croient obligés de donner leurs jugements sur des livres qu’on ne leur demande que d’exposer et de vendre « , qui règle son compte à  » la critique littéraire (…) remplacée par la réclame de copinage, les perpétuels renvois d’ascenseur, les comptes-rendus fadasses « , qui assassine allègrement l’époque, les suppléments littéraires des quotidiens, les premiers romans  » de tant de petits cons  » :  » À l’heure où la  » rentrée littéraire  » voit éclore six cents romans chaque automne, tous pareils, tous médiocres, tous inutiles (…) à l’heure où la littérature devient conformiste jusque dans sa subversion même « .

Parmi les fidèles, citons le  » pédagogue  » Nobert Czarny, qui a passé vingt années à La Quinzaine. Il écrit un beau papier sur la poésie de Queneau, intitulé  » L’intime, l’universel « . Il se confesse humblement (sans doute l’école Nadeau cette humilité, une marque de fabrique) :

 » Écrire un article me prend un temps fou. Je crains de me tromper sur le sens de tel passage, sur la dimension symbolique ou que sais-je d’autre. (…) Je suis plutôt fier de mes efforts.  » Dix pour cent d’inspiration, quatre-vingt dix de transpiration  » expliquait un vieux détective dans Baisers volés de Truffaut. Je pourrais en dire autant.

Le pédagogue évite les effets inutiles et aime la clarté. Je déteste les formules définitives, les adjectifs dévalués, les superlatifs ou comparaisons qui font d’un jeune romancier le nouveau Faulkner ou le fils spirituel de Beckett (…) J’ai besoin de citations, de références, de preuves formelles.  »

Sur le travail de critique, lire  » Ne jamais être acquis à soi-même  » de Christian Mouze : « Auteur, lecteur et critique sont les faisceaux d’une même source lumineuse qui leur reste une énigme. Cette lumière dessille et aveugle. Nous lisons, nous disons de multiples choses pour arriver à quoi ? Comme tout un chacun je garde les défauts de ma vue. L’imperfection et l’insuffisance nous lient, mais l’amour que l’on porte aux livres, à quelque chose ou à un être nous délie.  »

Enfin (mais tous sont à lire), remarquons le travail de La Quinzaine littéraire sur  » La Polynésie, les Antilles, l’Afrique, l’océan Indien… Glissant, Ananda Devi, Nimrod, Farah, C.T. Spitz…  » avec Patrick Sultan qui signe un article plaidant pour  » Une critique d’affinité  » :

 » Sous les images chatoyantes, le critique doit percevoir en quoi, dans des formes généralement empruntées à l’Europe et mêlées à d’autres venues de partout, s’exprime le grand lamento des nations dépossédées, le deuil des peuples ou des multitudes traumatisés (…) Il doit accéder à une écoute  » post-coloniale « . (…)

Pour tenir ce cap difficile et éviter ces écueils, peut-être faut-il s’efforcer de pratiquer une lecture que je dirais  » d’affinité  » ; j’entends par là, une critique qui cotoie l’œuvre, se déplace vers ses frontières, en éprouve les limites, apprécie sa beauté, circonscrit son lieu qui, bien qu’il soit enraciné dans l’histoire et la géographie (coloniales ou décoloniales), demeure singulier et offert librement à tout lecteur qu’il soit d’Europe ou d’ailleurs, à tout lecteur fraternel. « 

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