Porteurs de livres, porteurs de valises

Des hauteurs de Belleville, la vue sur Paris par soleil couchant, en ce samedi d’automne, ciel dégagé, brume de chaleur léchant les toits, a quelque chose de doucement merveilleux. Ô spectacle tranquille ! De ce promontoire les piétons plongent le regard dans le décolleté de la capitale. Son panoramique se déploie au grand angle, quiétude qui révèle une cité chatoyante, aux myriades de lucioles lointaines, pointillés démultipliés à l’envi.

Sous l’emprise d’un Muscadet bio, on pourrait s’abîmer dans la contemplation de ce tableau pour peintre impressionniste. Mais, en-deçà, résonnent les ambiances de la rue des Envierges et de son bar de proue, le bien nommé La Mer à boire. Karlex se prépare pour le concert du soir, organisé par le Collectif 2004 images. Aux murs des photos de Fred Kœnig, des peintures d’Elodie Barthélémy.

Les militantes de l’association Monique Calixte font les comptes. Elles ont vendu pas mal de livres en cette  » journée d’escale haïtienne « . L’argent ira aux bibliothèques de Port-au-Prince.

Elles envoient de l’argent mais des livres aussi. Il y a quelques jours un voyageur bénévole est parti avec plusieurs dizaines d’ouvrages. Pas n’importe lesquels ! Que du nécessaire, du bon et du neuf, pas des papiers empoussiérés, tirés de vide-greniers expéditifs, mais des titres jeunesse ou classiques. Il faudrait plus de livres universitaires. Et comme on fait bien les choses, le curieux ou le sympathisant pourra consulter la liste des titres sur le site de l’association…

 

Qu’on en juge : des romans, tel celui de Chris Abani, Graceland, traduit de l’anglais (Nigéria) par Michelle Albaret-Maatsh, ou les Nouvelles de l’île Maurice signées Shenaz Patel, Vinod Rughoonundun, Anada Devi, Sailesh Ramchurn et Bertrand de Robillard, éditées par Magellan & Cie/Courrier international, ou encore le livre de Mia Couto, Chronique des jours de cendre, traduit du portugais (Mozambique) par Maryvonne Lapouge-Pettorelli, ou encore : Zora Neale Hurston, Une femme noire, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Françoise Brodsky, L’Aube poche, ou encore : Ken Saro-Wiwa, Mister B. Millionnaire, traduit de l’anglais (Nigéria) par Kangni Alem, Dapper, coll. Au bout du monde. Même la belle littérature haïtienne vient en Haïti, comme le montre cet envoi : Marie Vieux-Chauvet, La danse sur le volcan, préface de Catherine Hermary-Vieille, Maisonneuve & Larose, coll. Soley.

Entre 2003 et 2008, plus de 900 livres neufs et près de 15 000 euros ont été envoyés à la Bibliothèque Monique Calixte de Port-au-Prince.

Ce travail de fourmi, fait de passon pour le livre, d’attachement pour Haïti et de solidarité par le menu, complète admirablement des appels à  » l’insurrection des imaginaires  » lancés par Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau, comme si, après l’époque des porteurs de valises, était venu le temps des porteurs de livres.

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