Théâtre en Noir et Blanc (suite et fin)

visuel La comédie indigène

© visuel Pascal Colrat 

Après Les Nègres et Topdog/Underdog, deux pièces en simultané à l’Athénée théâtre Louis-Jouvet, une troisième sur le rapport Noir/Blanc est à l’affiche, La Comédie indigène, jusqu’au 27 octobre au Tarmac de La Villette (Paris).

Mais autant l’ouverture de saison de l’Athénée a de quoi séduire en imposant un jeu de miroirs troublant, autant cette Comédie laisse un goût d’inachevé.

C’est d’ailleurs moins une comédie qu’une parodie grotesque du colonialisme, du racisme, et de leurs discours et de leurs  » représentations  » sur un siècle, de 1830, année de la prise de possession de l’Algérie par la France, à 1931, année de la dernière grande exposition coloniale, à Paris.

Le metteur en scène, Lotfi Achour, a souhaité présenter les textes du XIXè siècle sur la théorie de la hiérarchie des races par des savants en blouse blanche, une leçon de français  » petit nègre  » aux soldtas sénégalais, des discours à la Chambre des députés sur la vision de l’Arabe en voie de conqûete en Algérie. Ces textes -certains réclament une  » extermination  » sont superbement incarnés par des acteurs de talent : Thierry Blanc, Marcel Mankita, Ydire Saidi.

Le spectateur entend même un extrait hors contexe du discours de l’actuel président de la République française, prononcé à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar en juillet dernier :

 » Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès. « 

La mi-scène est traversée par un immense vitrail transparent sur lequel sont projetés les visages filmés en noir et blanc d’hommes et de femmes, noirs ou jaunes. Malgré cette scénographie réussie, utilisée par trop d’intermittence, l’ensemble paraît décousu. Et la très belle voix de la chanteuse vocaliste Lê Duy Xuân, n’est hélas ! qu’un songe passager voulant rappeler les chants coloniaux…

A l’inventaire préliminaire qui énumère des noms évoqués par la Colonie, ses richesses notamment, semble correspondre l’inventaire des textes historiques. L’ultime scène entend donner la clé de l’ensemble : un homme noir, en costume trois-pièces, surgit du fond de la salle (interprété par Marcel Mankita), les lumières allumées, et vient apsotropher le tribun (Thierry Blanc), qui cite Lamartine, Tocqueville, Maupassant, etc. La réplique est un texte d’Achille Mbembé censé répondre au discours dominant, celui qui a forgé les représentations, selon Lotfi Achour. Texte assez faible. Cette réponse n’a pas la force de la cataracte de clichés déversés sur le spectateur pendant une heure. On est un peu perdu. Et déçu.

 

D’autant que Mbembé, professeur d’université, développe par ailleurs une hauteur de vue sur la question. Ainsi sur le blog de l’écrivain Alain Mabanckou :

 » L’Afrique se sauvera par ses propres forces ou elle périra. Personne ne la sauvera à sa place, et c’est bien ainsi (…)

Le premier principe est que l’Afrique ne doit rien attendre de la France. En retour, que la France s’abstienne (dans le sens d’abstinence) au maximum d’exercer chez nous la sorte de « pouvoir de nuisance » qu’elle n’a cessé de manifester depuis la fin des colonisations directes.

Le deuxième principe est que par rapport à la France comme d’ailleurs dans les rapports avec le reste du monde, les Africains s’efforcent de cultiver l’autonomie morale. Sans cette indépendance morale, ils seront toujours exposés à la corruption et leur liberté de jugement et d’action sera toujours hypothéquée. « 

Laisser un commentaire