Avant la France, Liverpool inaugure un Musée international de l’esclavage

Les faits : 

Liverpool inaugure aujourd’hui le Musée international de l’esclavage dans le cadre des festivités organisées pour le  » Bicentenaire de l’abolition de la traite négrière dans l’ancien Empire britannique et pour la Révolution haïtienne.  » C’est le premier musée permanent dédié à la traite transatlantique. Le musée fera partie de l’enceinte du Musée maritime de Merseyside sur le Albert Dock. La Grande-Bretagne est donc bien en avance sur la France…

Le contexte muséographique : 

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Liverpool s’était déjà distinguée avec un lieu de référence, la Transatlantic Slavery Gallery. Inaugurée en 1994, cette galerie a mis en lumière les conséquences de la traite sur le monde moderne. Le succès de cette galerie a poussé le groupe des Musées nationaux de Liverpool à aller plus loin. Le futur musée se propose d’identifier, au travers de nouveaux espaces d’exposition, « les problèmes contemporains induits par l’esclavage et le traite négrière, cherchant par là à dépasser le caractère strictement historique et à s’intéresser aux aspects contemporains qui en découlent ».

Les thèmes des nouvelles galeries :

        Les droits de l’homme, la liberté et le sous-développement en Afrique et dans les Caraïbes ;

        les identités culturelles, le pluralisme et la discrimination raciale ;

        les contributions majeures des descendants africains en Amérique et en Europe.

Dans un futur proche, il est également question de développer l’enseignement et la recherche, principalement grâce à la création d’un institut de recherche (prévu pour 2010) et un centre de ressources ouvert au public.

A noter sur le site du Musée, l’excellent dispositif pédagogique « Slaves Stories » (récits d’esclaves) : http://www.diduknow.info/slavery/index2.html

 

Le retard français :

1. En 2001, la loi Taubira stipule dans son article 1er : « La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’océan Indien d’une part, et l’esclavage d’autre part, perpétrés à partir du XVè siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l’océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’humanité. »Aucun de ses cinq articles ne fait mention d’un musée de l’esclavage… Seul l’article 2 spécifie : « Les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l’esclavage la place conséquente qu’ils méritent. »Et l’article 4 renvoie à « un comité de personnalités qualifiées, parmi lesquelles des représentants d’associations défendant la mémoire des esclaves, [qui sera] chargé de proposer, sur l’ensemble du territoire national, des lieux et des actions qui garantissent la pérennité de la mémoire de ce crime à travers les générations. »  

2. Il faut attendre le rapport 2006, du Comité pour la mémoire de l’esclavage (présidente Maryse Condé) qui  » appelle de ses vœux la réalisation d’une exposition nationale sur l’esclavage, la traite négrière et leurs abolitions dans un musée national majeur. »

3. En 2006 encore, le président Jacques Chirac confie à l’écrivain martiniquais Edouard Glissant la présidence d’une mission de préfiguration d’un Centre national consacré à la traite et à l’esclavage. Le chef de l’Etat souligne que « la mémoire de l’esclavage doit s’incarner dans un lieu ouvert à tous les chercheurs et au public ».

4. En 2007, Edouard Glissant consacre un livre Mémoires des esclavages à la fondation d’un Centre national pour la mémoire des esclavages et de leurs abolitions (Gallimard).

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Extrait :

« S’il y a une raison de fonder un Centre national autour d’un pareil sujet, c’est-à-dire de cet esclavage-ci plus particulièrement, oui de cet esclavage-ci, africain, caraïbe, américain, transindien, européen, alors que nous savons que tous les esclavages sont également monstrueux et hors humanité, peut-être la trouvons-nous avant tout dans ceci qu’il a intéressé la plupart du monde connu à l’occident du monde, c’est-à-dire qu’il a établi un lien d’un ton nouveau entre pays et cultures, que ce lien, on a voulu le faire méconnaître, qu’il a brassé un nombre incalculable de beautés dans un nombre aussi incalculable de supplices, qu’il en est résulté la créolisation de ce grand pan du monde, créolisation aussi belle que sa démocratisation, qui a répercuté sur une partie de notre monde actuel et qui a fait que nous y sommes entrés, et qu’alors ce Centre doit être national parce que c’est là le meilleur chemin pour en démultiplier toutes les approches et toutes les résonances internationales. »

A ce jour, l’actuel gouvernement français n’a pas repris à son compte cette démarche.

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