« Depuis le 12 janvier un nouveau groupe de mots sème la panique et renvoie à des images de catastrophes : tremblement de terre, séisme, réplique, fissures, effondrement, béton.
En fait, le maître mot, tremblement de terre, la majorité des Haïtiens, surtout ceux qui ont souffert dans leur chair ou dans leurs biens de ses ravages, refusent de l’utiliser dans leur conversation.
(…) Certains disent l’Artiste parce qu’il a redessiné la ville, d’autres le Monsieur, avec un certain respect, mais la majorité l’appelle Bagay la, cette chose qui est passée le 12 janvier et qui nous fait encore courir avec ses répliques. »
Courir. Tout le monde court depuis le 12 pour retrouver un proche, s’abriter ou prendre la fuite. Un journaliste senior, vrai poids lourd de son état, après la dernière réplique de magnitude 4.7 qui a secoué la région métropolitaine le 23 février, a eu cette phrase sur Facebook, le réseau qui est devenu un media avec la crise : « Kouri, kouri (courir, courir), je n’ai pas le physique de l’emploi, ni de l’exploit. Bagay fè respè w (tremblement de terre reste tranquille)».
« Bagay sa pase, li ale ak tout bagay » (cette chose, le tremblement de terre a eu lieu et elle est partie avec tout), déplore tout le monde. »
Extrait du Nouvelliste, « Bagay la », 3/03/10.
Sur les mots tabous, voir la chronique de Lyonel Trouillot, Papalagui, 8/02/10.
