La salle de bain
Je n’ai gardé aucun des brouillons de La Salle de bain,
je les ai tous brûlés avant de quitter l’Algérie, des
centaines de brouillons que j’ai brûlés un soir au coucher
du soleil dans les poubelles publiques de la Cité d’Aïn
d’Heb à Médéa quelques jours avant mon départ. Je me
souviens de mon état d’esprit en regardant ces brouillons
qui disparaissaient dans les flammes, mes yeux brillaient,
mais je n’étais pas triste, simplement mélancolique,
comme ce soir de septembre à Cinecittà quand j’ai
regardé longuement le ciel bleu pâle au-dessus de Rome
le dernier jour de tournage de La Patinoire en songeant
simplement que quelque chose de très beau s’achevait. Il
ne me reste aucune image de l’Algérie, qu’un petit dessin
à l’encre de mon bureau, mais c’est un portrait, c’est déjà
un autoportrait, il y a ma machine à écrire sur la table de
travail, et ma veste, comme une signature, sur le dossier
d’une chaise.
MES BUREAUX, luoghi dove scrivo, Amos Edizioni, 2005
C’est extrait des notes de Jean-Philippe Toussaint, disponibles sur son site , ouvert samedi 21 novembre au MEET de Saint-Nazaire…parmi de diverses versions, états, bribes, débris de textes, en différentes langues, dont le japonais, comme il se doit.
A lire aussi les réflexions de François Bon sur son propre site, Le tiers livre.

