Le Goncourt 2009 a une robe puissante

Marie Ndiaye, Goncourt 2009 pour l’auteur de Trois femmes puissantes (Gallimard) répond à nos questions. Début de l’entretien :

D’où vient ce roman ?

C’est toujours difficile de dire d’où viennent les livres. Ils viennent rarement d’un fait précis, ils viennent de la vie que je mène, de la vie que je vois les gens mener, de ce que je lis dans la presse, de ce que j’entends à la radio, ils viennent d’impressions diverses nées de toutes sortes de voyages, il n’y a jamais une source unique, il y a des sensations, des idées, des images qui finissent par condenser en quelque sorte et donner l’idée d’un livre.

C’est une multitude de sources dont je ne suis par forcément consciente de toutes.

Et l’idée de rassembler trois histoires de femmes dans un livre ?

C’est un problème de construction que j’ai eu alors que j’avais déjà écrit un bon tiers de ce qui devait être à l’origine un roman simple plus classique et pas décomposé en trois parties comme le livre actuel. Donc un problème de construction qui s’est posé quand j’ai voulu faire entrer dans ce livre unique trop de gens et trop d’histoires. J’avais l’impression qu’il y avait un côté artificiel à faire entrer tout cela dans une seule intrigue, donc j’aipris le parti de diviser ce roman premier en trois histoires.

Comment reliez-vous ces trois histoires, ces trois femmes puissantes ?

Dans le livre, les trois histoires sont reliées par des petites choses, des sortes de fils discrets qui courent, un peu comme les trois morceaux d’une composition musicale. Il y a les oiseaux, des couleurs, une proximité de destin entre ces trois femmes.

Quelle est l’histoire ?

C’est pas facile. Pour aller vite, je dirai que c’est l’histoire de trois femmes qui, bien que très différentes les unes des autres, d’âges différents, de milieux différents, chacune à sa façon lutte contre une adversité et elle réussit à peu près à vaincre cette adversité-là.

Quelle est leur puissance ?

Quoiqu’il leur arrive, elles ne doutent jamais de leur humanité profonde. Même la plus humiliée de ces femmes, celle qui doit faire face aux malheurs les plus évidents, même lorsqu’elle se trouve dans une situation où elle objectivement rabaissée, ne ressent pas l’humilation, car jamais elle ne doute de son humanité essentielle. De ce point de vue-là, elles sont inaccessibles à l’humilation, c’est ce qui fait leur force.

C’est une allusion à Khady Demba ? p. 264 : « Et elle ressentit alors si pleinement le fait indiscutable que la maigre fillette farouche et valeureuse qui discutait âprement le prix du mulet, et la femme qu’elle était maintenant, qui suivait un étranger vers un rivage semblable, constituaient une seule et même personne au destin cohérent et unique, qu’elle en fut émue, satisfaite, comblée, et que ses yeux la picotèrent, et qu’elle en oublia l’incertitude de sa situation ou plutôt que cette précarité cessa de lui paraître aussi grave rapportée à l’éclat exaltant d’une telle vérité. » La curiosité de cette femme, vous insistez sur le fait d’être, de se rendre compte qu’elle existe…

C’est ça. Elle est, c’est évident, mais surtout elle ne doute jamais de cela, qu’elle est au même titre que tout être humain autour d’elle, même ceux qui lui sont objectivement bien supérieurs. Elle ne fait jamais de différence entre elle et eux, elle est unique, elle est un individu aussi précieux que n’importe quel autre et de cela elle ne doute jamais.

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