A en juger par un rapide revue de presse des journaux haïtiens, la rentrée littéraire bat son plein de ce côté-ci de la Caraïbe [Papalagui, 5/11/07].
A se demander s’il restera quelque curiosité littéraire pour le festival Etonnants voyageurs (1er au 4/12/07).
Frankétienne est qualifié de » colosse de la littérature haïtienne » par Le Nouvelliste . Ecrivain sans modèle, si ce n’est lui-même, ou à la rigueur Edouard Glissant comme compagnon de route (l’un théoricien de la Poétique, l’autre praticien), Frankétienne rencontre les élèves enthousiastes du lycée Toussaint Louverture pour leur parler de Mots d’ailes en infini d’abîme, sa dernière » spirale « , un genre apparenté au surréalisme. » C’est une réflexion sur la manière d’écrire, le social, la politique. Il faut le lire aussi comme une révolte. C’est une oeuvre subversive et succulente. « , conclut le quotidien.
A lire un extrait de ce dernier ouvrage sur le site de La République mondiale des Lettres, revue électronique de recherche en écriture.
L’agence Alterpresse est tout aussi séduite par » le colosse « , avec ce titre à l’appui : « L’écrivain Frankétienne propose une révolution culturelle par l’éducation « .
A côté des 45 titres publiés, explique l’article, il a peint 6 000 tableaux, joué 12 pièces. Mais sa principale besogne demeure l’écriture. Rejetant toute forme de petitesse, d’étroitesse, de médiocrité del’esprit humain, Frankétienne invite les élèves à s’efforcer de sortir de l’ordinaire et de penser « grand » à la manière de Dieu, en laissant transparaître en eux le souffle de l’esprit, innovateur et créatif.
Par ailleurs les écrivains se font chroniqueurs littéraires. Exemple avec Lyonel Trouillot, dans un article du Matin. L’auteur de Thérèse en mille morceaux et Bicentenaire (Actes Sud) « aurait préféré une vraie rentrée, avec des ouvrages de plusieurs éditions et un peu plus de concertation entre toutes les personnes et institutions concernées par cette chaîne du livre. Il nous apprend la réédition par Les Presses nationales d’Haïti de Bamboola Bamboche de Jean-Claude Charles, un texte et un auteur peu connu. Mais on peut faire confiance à Trouillot comme critique littéraire. Il a du nez :
» Avec aussi une conscience aigue du social, le droit à la révolte et l’interpellation du politique. Il y a quelque chose d’insoutenable et d’admirable devant la prise de risque d’une écriture qui semble n’avoir peur de rien.
Bamboola Bamboche, c’est un journaliste envoyé en reportage (Charles a beaucoup travaillé dans le journalisme en tant que reporter, producteur et envoyé spécial). Tout y passe : coup d’état en gestation ; l’amour ; les amours ; rencontres fortuites ; la mémoire, encore elle, qui se réveille. Bamboola Bam coche, c’est aussi un bar, et le bar est le lieu-centre duquel tout se déploie :
« C’était – entrant dans le bar -, un fleuve traversé de courants contraires, coulée d’histoires, flux de sentiments et de passion, voyage à travers une trame de voix, vies à vif et lieux en mouvement, images végétales (imaginez des lianes, connexions multiples, complexes, prolifération à l’infini), images animales (imaginez un zèbre, un homme rayé noir et blanc au galop rapide comme un zèbre), c’était pour moi la levée d’une Histoire sur laquelle pesait, pèse encore, un black-out total, un amont, à travers la jungle de la parole du maître, sur quoi je suis revenu, entrant dans ce bar, à minuit. »
Autre écrivain-chroniqueur littéraire, moins connu que le précédent, mais tout aussi attachant, Pierre Clitandre , qui raconte dans Le Nouvelliste » le retour au pays natal » d’écrivains haîtiens » du dehors « , comme on dit à Port-au-Prince :
» Dans un décor minutieusement paré de sculptures de Ludovic Booz, d’un diptyque de Jean Ménard Derenoncourt présentant des portraits de présidents haïtiens de Jean-Jacques Dessalines à René Préval, d’oeuvres d’Emile Ollivier, de Lazare et de Jean Frantz Nelson, les écrivains haïtiens ont visité la bibliothèque de Carrefour-Feuilles avec surprise et enthousiasme. Janine Tavernier, Jean Max Calvin venus de New York ont exprimé leur nostalgie et Nadève Ménard a fait découvrir la première romancière haïtienne, Cléante Valcin. La destinée de la Rentrée littéraire est joyeuse et rassurée. «
