Au début de l’été dernier, l’Ecole de journalisme de Sciences-Po, terminait son année par une journées Portes ouvertes et un débat au titre d’actualité: « Demain, tous journalistes ? ».
En octobre, à l’occasion de son soixantième anniversaire, le Centre de formation des journalistes (CFJ), organisait une table ronde : « Journaliste, un métier à réinventer ».
Deux essais très documentés ont enfoncé le clou dans la tête des journalistes. Une presse sans Gutenberg de Jean-François Fogel et Bruno Patino (Grasset) a montré en quoi les frontières sont tombées entre les journalistes et leur audience (auditeurs, télespectateurs, lecteurs) puisque les internautes interviennent dorénavant dans les journaux en ligne… plus que les lecteurs naguère dans les courriers des lecteurs. La fin de la télévision de Jean-Louis Missika (Seuil) présente un nouveau paysage, celui des images dans les flux de Web…
Il n’y a pas un jour où la migraine ne gagne la profession journalistique…
Entendue ce dimanche 26 novembre, à l’émission Arrêt sur image sur France 5, la confession et le constat d’impuissance du directeur de l’information de France 3, Paul Nahon, réagissant à l’influence des vidéos en ligne et des messages d’internautes sur les sites des politiques (l’émission portait sur une vidéo montrant Ségolène Royal dévoilant sa position sur les 35h gratuites des enseignants à l’école), interviewé par Daniel Schneidermann, journaliste et présentateur de l’émission :
« – Daniel Scheidermann : Est-ce que la responsabilité des journalistes ou un de leur nouveau rôle dans le nouveau paysage, ce ne serait pas de s’assurer de la sincérité de ces démarches des uns ou des autres?
– Paul Nahon : C’est une nouvelle posture, un nouveau questionnement pour nous, ça devient de plus en plus compliqué de surveiller les uns et les autres, il faut déjà surveiller les discours, savoir si l’on est pas manipulé, savoir ce qu’il y a derrière l’image, derrière les mots, et si on doit maintenenant savoir ce qu’il y a derrière les blogs et les messages Internet, ça fait vraiment beaucoup.
– Daniel Scheidermann : Vous l’avez fait un peu, les gens de votre rédaction sont allés se plonger dans les profondeurs du site de Ségolème Royal ?
– Paul Nahon : Chacun y va, mais on manque de temps, évidemment.
– Daniel Scheidermann : Mais qu’est-ce qui va vous rester comme boulot, si tout le monde filme, si tout le monde fait les enquêtes, si toutes les contre-enquêtes sont mises sur Internet, qu’est-ce qui va rester ?
– Paul Nahon : C’est le vrai défi de ce métier, du XXIe siècle. C’est le vrai défi.
– Daniel Scheidermann : Oui, mais quelles sont les pistes de…
– Paul Nahon : de réflexion ?
– Daniel Scheidermann : de solutions !
–Paul Nahon : On n’en a pas pour l’instant.
– Daniel Scheidermann : C’est vrai ?
– Paul Nahon : On patine, je vous le dis clairement. Je vous le dis comme je le pense.
– Daniel Scheidermann : Vous pensez quoi de cette nouvelle concurrence, qui est celle des vidéastes amateurs, des gens qui viennent mettre des idées dans les sites, des gens qui viennent contre-enquêter sur les idées qui sont dans les sites, finalement les médias traditiionnels…
– Paul Nahon : Finalement, il y a à réinventer à réinventer, à réinventer, un nouveau rôle du journaliste, c’est très compliqué, parce qu’encore une fois, on est face à un défi qu’on a jamais connu, et qui est tout à fait nouveau pour nous. Voir Bush qui a perdu énormément avec la diffusion dans le monde entier des images d’Abou Ghraib (prison irakienne où des soldats américains torturaient et humiliaient des détenus irakiens, le tout filmé par un militaire américain). «
