Léonora Miano vient de remporter le Goncourt des lycéens pour Contours du jour qui vient, publié chez Plon. Preuve qu’il y a une vie après Les Bienveillantes, de Littell, lui aussi en lice…
Cette écrivaine née au Cameroun s’était déjà fait remarquer en 2005 pour un premier roman magistral au souffle puissant, L’intérieur de la nuit (Plon). Lire l’extrait: « Il y avait une indiscutable similitude entre elles et les villageoises. Outre le poids du monde posé sur leurs épaules, il y avait ce cadavre qu’elles trimbalaient au fond d’elles, depuis le premier jour. Celui du rêve, dont la dépouille avait été mise au tombeau pour l’éternité. »
Elle nous avait donné le frisson pour ce récit romanesque d’une Afrique violente hors de toute beauté: le siège d’un village par un groupe de soldats et d’enfants soldats, l’ordre donné aux villageois d’un crime rituel pour « purifier » l’Afrique, l’impossibilité d’en réchapper vivant ou d’en réchapper mort.
Contours du jour qui vient apparaît tout aussi violent avec dans le rôle principal une très jeune fille chassée du foyer par sa mère sous prétexte de sorcellerie. Elle ira, errante, chair humaine ballotée au gré des éruptions de violence et de crises mystiques ou religieuses.
Préférer le premier roman au deuxième n’est pas faire injure à l’auteur. Le trouble du premier laisse place à un travail visible, ou trop visible, sans la magie du précédent. Ce qui est sûr : un talent hors pair pour décrire de l’intérieur l’intimité violente de l’Afrique.
Miano décrit une Afrique trop réelle, là où le regard occidental ne voyait qu’une beauté exotique. Ses personnages ne sont pas ceux d’une Afrique fantôme mais les fantômes d’une Afrique qui advient au monde. Une Afrique des enfants errants dont elle est la griotte authentique. Son premier roman avait été accueilli en Afrique avec vivats et soupirs tout à la fois . Elle révèlait des tabous, des anthropophagies, des trafics humains et négriers, des rituels guerriers infâmes.
Final de compte, c’est une belle leçon donnée par les jurés-lycéens d’un prix littéraire! Une forme de jury exigeante. Les élèves de seconde, première, terminale de divers lycées de France, de Suisse et du Québec ayant passé deux mois à lire les romans sélectionnés dans la première liste du Goncourt. Mais pourquoi ne pas y adjoindre des lycéens d’Afrique ou d’ailleurs ?

http://www.leonoramiano.com
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