Vus sur une scène, successivement, un slameur, Insa Sané, auteur d’un premier livre (Sarcelles-Dakar) et une jeune auteur, Fabienne Kanor, qui est à son deuxième roman, Humus. Tous deux s’exercent à la lecture en public, à l’occasion de Lire en fête. Le premier passe de l’oral à l’écrit. La seconde de l’écrit à l’oral. Curieux ce chassé-croisé des voix sur les voies de la lecture.
Insa Sané est membre du groupe de hip-hop 3K2N. Un éditeur sensible aux voix immédiatement périphériques (autrement dit de l’autre côté du périph parisien) l’a publié dans une nouvelle collection Exprim’, qui dit bien l’urgence de dire. L’éditeur-à-la-parole-tendue a pris pour nom "Sarbacane"… dont l’intention est de "faire la part belle aux écritures verbales"…
Fabienne Kanor, vient de publier Humus
, après un premier D’eaux douces, les deux chez Gallimard dans la collection Continents noirs. Le livre commence ainsi: "Le 23 mars dernier, il se serait jeté de dessus la dunette à la mer et dans les lieux 14 femmes noires toutes ensemble et dans le même temps, par un seul mouvement… ". De ce fait de la fin du XVIIIe siècle, consigné dans un journal de bord d’un capitaine négrier, Fabienne Kanor en tire un récit aux multiples voix, celles de femmes esclaves fugitives, autant de femmes, autant de voix. Tentative ambitieuse de donner vie, corps, mémoire à ces héroïnes de l’oubli.
Cette performance (slameur-auteur et écrivain-lecteur), c’est un peu comme si chacun n’avait pas assez de son texte (en bouche ou sous la plume), comme si chacun en "avait trop" et qu’il fallait "que ça sorte", dans la violence verbale et la grandiloquence émotionnelle.
